Libération d'un lumbago lors d'une étude de mouvement en contact à deux avec objet
Mémoire EFEGA, mai, 2013, Bobette Goeders
L'élaboration d'une étude à deux avec objet fait partie de la formation en eutonie.
La veille, cette recherche avait bien débuté, elle se déroulait joyeusement avec Marie autour d'un petit sac d'épeautre qui animait nos mouvements, stimulait notre enthousiasme, à la manière de gamines emmenées dans une relation ludique et insouciante.
Le lendemain matin, comme d'habitude, un cours d'eutonie ouvrait la journée. En ajustant mon tapis, une douleur fulgurante arrêta net mon mouvement. Je reconnais le phénomène, pour l'avoir vécu tant de fois par le passé. En un clin d'oeil, je réalise les conséquences que cela va engendrer : immobilisation forcée pendant tout le stage, découragement à l'idée de ne plus être capable de participer pleinement, désolation pour ma partenaire entraînée malgré elle dans cette mésaventure. Sentiment de punition.
Soucieuse de ne pas perturber le déroulement, je me rends tant bien que mal au cours suivant pensant y assister en tant qu'observatrice.
« On va composer avec la situation » c'était la voix de Marie. Je n'en croyais pas mes yeux, tout mon être disait non, voulait panser ses plaies, s'immobiliser au fond de mon lit, comme d'habitude quand cela arrive. Continuer à bouger, impensable.
Accepter cette invitation fut un véritable tout de force, une décision physiquement et moralement douloureuse à prendre, semblable à une réduction de fracture, un dépassement sans précédant.
Dès le début, Marie trouve les geste dont j'ai besoin, assise au milieu de mon chagrin : c'était cadeau de sentir le poids du petit sac d'épeautre déposé avec calme, délicatesse, simplicité, sur mes épaules, mes bras, mes pieds...
Ensuite nouveau d'épart de la recherche, debout, tant bien que mal.
Imperceptible transfert prudent du poids de mon corps d'un pied sur l'autre qui suit le transfert du petit sac que Marie fait passer de sa main gauche à sa main droite et qu' accompagne tout son corps, dans un mouvement balancé presque chantant.
A l'écoute de mon corps je me faufile dans le possible, millimètre par millimètre tandis que l'objet anime nos mouvements.
Plus tard, me retrouvant debout, immobile, je décide d'oser lâcher le poids de mon corps pour le donner à l'appui de mes pieds sur le sol. Mon appréhension est grande de devoir passer par l'épicentre de la douleur contournée par peur d'avoir mal.. Elle est fulgurante, dure une fraction de seconde, mais laisse passer un courant d'énergie qui me traverse des pieds à la tête. Le soulagement est immédiat, je me retrouve d'emblée connectée à la terre, appréciant ma verticalité en partie retrouvée.
La recherche de l'étude peut se poursuivre vers davantage de détente, progresser. Dans la relation libérée le contact peut se faire.
Il est certain que, sans la solidarité, l'entraide qui s'est manifestée autour de cet événement, je n'aurais pas trouvé le courage d'affronter la douleur, de dépasser mes peurs.
En utilisant l'objet de l'étude pour me consoler, ma partenaire rétablit le lien rompu avec tant de violence.